jeudi 29 mars 2007

Historique d'un futur ébéniste

J'avais 20 ans. Fraîchement marié, hé oui, je me suis marié à 19 ans, nous habitions à l'époque, un bachelor situé dans le sous-sol d'une petite maison de banlieue. Voulant agrandir nos horizons, il nous fallait des meubles pour remplir notre nid. C'était le temps où on pouvait trouver dans bien des chaumières, une cuisinière vert pomme, un "set de salon style espagnol" et un sous-sol avec murs en préfini. Sans oublier la section bar avec murs en stuco garnis de fond de bouteilles... Nous nous sentions avant-gardiste et rêvions de meubles modernes, que l'on appelait "futuriste" et regardions avec dédain le style "canadien" avec ses formes rustiques et ses tissus carrelés.

Nous avions payé beaucoup trop cher pour l' ensemble de salon modulaire de style chenille acheté dans un magasin "désign", style qui fut copié 2-3 ans plus tard par une panoplie de manufacturiers et vendus au tiers du prix. Le reste de notre budget ayant passé pour l'ensemble de salle à dîner : une "magnifique" table ronde en verre, avec pied central "cromé" et chaises assorties, nous devions trouver une solution pour meubler l'appartement central d'un jeune couple, la chambre à coucher.

Nous avions trouvés l'ensemble de nos rêves dans la revue de l'époque, Décormag. Une publicité de Roche-Bobois. Avec ses lignes simples, d'un style épuré, il était parfait. Malheureusement, il était aussi hors de prix... Ne pouvant nous résoudre à abandonner cette merveille, nous avons décidés de le construire nous-mêmes. Après tout, les bureaux n'étant que de simple cubes, ça ne devrait pas être si difficile, en plus, on pourrait utiliser le sous-sol de mes parents pour bricoler tout ça... Je dessine un plan, prend quelques informations (trop peu) sur les matériaux, nous sommes prêts. Les caissons seronts en contre-plaqués et les tiroirs en pin.

Premier obstacle, les outils. Je n'ai qu'un marteau et quelques tournevis et mon père n'étant pas bricoleur ne peut me fournir que de simples rabots, égouines et autres outils manuels. Après une visite chez Canadian Tire, nous sortons avec une scie ronde et une sableuse. Il ne reste qu'à faire livrer 2 feuilles de contre-plaqué et on est prêts à commencer. N'ayant jamais touché à autres choses qu'un marteau, plusieurs soirées ont passés à débiter ces 2 simples feuilles.

Bien d'autre feuilles de contre-plaqués furent ainsi découpés et occupèrent toutes nos soirées et autres temps libres. Si bien qu'un jour, les caissons étant terminés nous étions prêts à attaquer les tiroirs...

Qui est le génie qui a décidé qu'une planche de bois 1"x6" ne mesure pas en fait 1" d'épais par 6" de large ? Il était maintenant impossible de respecter le plan original où les façades de tiroirs devait cacher les cotés des caissons. Ne sachant pas trop quoi faire, puisque bien sûr, nous avions coupés plusieurs planches à la bonne longueur, nous nous sommes résolus à mettre les façades à l'intérieur des caissons. Bien que les planches soient trop étroites pour le plan original, elles étaient aussi trop larges pour être utilisées tel-quel. Après plusieurs tentatives infructueuses à refendre des planches de pins à la scie ronde j'ai eu l'idée géniale de "sabler tout ça". Nous avons donc passés quelques soirées à la sableuse.

Je n'ai jamais su si c'est parce que nous faisions pitié où que le nuage de poussière empêchait mon père de regarder sa télé qu'il décida de nous offrir l'outil suprème, un banc de scie Rockwell. Ne sachant pas trop comment aborder la bête, un gentil voisin offrit son aide pour la monter. Plein de bonne volonté, il alla même jusqu'à donner un coup de marteau sur l'extrémité du guide de refente afin d'éviter que la planche ne se coince entre la lame et le guide. Merci beaucoup !

Enfin, après plusieurs autres apprentissages, comme le fait qu'une base de lit queen ça ne passe pas par l'escalier d'un sous-sol quand c'est construit tout d'un bloc, nous avons réussi à terminer notre "set de chambre" de rêve à temps pour le déménagement. Ce fut toute une expérience ! À l'époque nous travaillons tous les deux dans des magasins et toutes nos soirées, même les jeudis et vendredi lorsque nous terminions le travail à 9h00, passaient sur ce projet. Le projet est devenu bien vite une corvée qui n'en finissait plus...

Durant plusieurs années, à part les tâches inévitables du banlieusard comme finir son sous-sol, construire sa remise et son patio, j'ai tenté le plus possible de m'éloigner du bricolage. À chaque fois que l'être-aimé me demandais de faire quelque chose qui impliquait l'utilisation d'outils, je remettait tout à plus tard, m'exécutant seulement lorsque ça devenait inévitable. Je détestait ça ! Plus je détestais ça, plus ça allait mal lorsque je devais bricoler.

Mais en même temps parfois, en regardant Norm, je crevais d'envie et me disais que si j'étais équipé comme lui, je bricolerais ! Après 2-3 émissions, j'étais prêt à attaquer certaines petits projets avec enthousiasme, pour vite déchanter lorsque le manque de connaissances ou d'habilités me ramenais à la dure réalité. Je blâmais alors le manque d'espace pour travailler ou d'outillage approprié (ce qui n'était pas tout à fait faux quand même).

Puis, il y a trois ans, ayant épuisé tous mes arguments valides (et moins valides, comme le fait que le tapis datant de la construction de notre maison en 1983 était encore pas si pire), j'ai dû me résoudre à poser un plancher de bois franc. Je me suis donc acheté un compresseur style pancake et sorti la scie à onglets achetée quelques années plus tôt, scie qui avait beaucoup plus servis à des amis qu'à moi. Note à moi-même : des outils ça se prête pas... Je m'attendais à implorer tous les saints comme à chaque fois que je touchais à un outil, mais non. Le projet s'est assez bien déroulé. Je suis même très fier du résultat. Bon, d'accord c'est plus simple à réaliser qu'un confiturier, mais bon pour moi ce fût un premier succès. Il faut dire que cette fois j'avais et l'espace pour travailler et les outils nécessaires. Il en faut peu pour ce genre de projet et comme on coupe sur place... L'année suivante j'ai aidé un ami à rénover un condo. Pour diverses raisons, j'ai hiberné presqu'un an et en fin d'année dernière, alors que je sortais de ma caverne, j'ai décidé que j'avais assez fait attendre l'être-aimé et qu'il faillait faire quelque chose au sujet des armoires de cuisine.

Dilemme : on rénove ou on vend ? Peu importe la réponse, il faut faire quelque chose pour la cuisine. Si on décide de vendre, il faut minimiser les dépenses et maximiser l'investissement. Et si je faisait les armoires moi-même, je pourrais économiser pas mal... Quelques feuilles de mélamine et ça y est... Hmm... Mon atelier est monopolisé à la fois par mon fils pour ses réparations d'ordinateurs, il doit bien y avoir une dizaine de boitiers d'ordinateurs empilés, et toutes les autres "bébelles" qu'on ramasse au fil des ans. Donc pas question de faire ça là... J'ai bien songé à utiliser directement la cuisine mais bon, c'est certainnement pas ma meilleure idée...

Puis un jour alors que je regardais distraitement les sytlos qu'il avait réalisés avec des bouts de barreau de mon ancienne rampe d'escalier, le frère-de-l'être-aimé me lance comme ça :

ben tu pourrais louer du temps d'utilisation à l'école où j'ai suivi mon cours de tournage de bois !

Hein, ça se loue ça ?

Le lendemain j'étais inscrit au cours préléminaire. J'ai débuté en janvier, terminé les cours préliminaires et niveau 1. Je commence le niveau 2 la semaine prochaine et savez-vous quoi, j'adore ça !

Coffre en pin réalisé dans le cadre du cours de niveau 1 à l'École-Atelier d'ébénisterie.


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